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FUERO(n) - Expérimentation chorale

Germana Civera

Festival International Montpellier Danse 2008

El Mercat de les Flors Barcelone

FESTIVAL Artdanthé Vanves

PRIX L’EXCELLENCE VILLE DE BARCELONE 2008

Production ASSOCIATION INESPERADA/ GERMANA CIVERA

Coproduction Festival Montpellier Danse, El Mercat de les Flors-Barcelone, Institut Français Barcelone, Centre de Développement Chorégraphique de Toulouse, La Caldera-Barcelona.

Avec le soutien de la DRAC Languedoc-Roussillon; la Région Languedoc-Roussillon; la Ville de Montpellier; Réseau en Scène; l'ADAMI.

Intraduisible en français, Fuero(n) met en lumière son travail sur la question de la trans-génération, sur une déclinaison de la mémoire de la danse, le rapport au corps et au temps et met en jeu l’altérité entre passé et présent, entre mémoire et action, sous le prisme de l’Apocalypse. Avec Fuero(n), Germana revisite les protocoles des échanges entre tous ces corps, différents, uniques et parle de la fragilité, de leur peau, enveloppe charnelle, frontière entre l’intérieur et l’extérieur. “Fuero(n)”, est au confluent de l’empreinte du temps sur les corps, de la visibilité du temps comme trace sur et dans la chair. Chair qui façonne les corps, influence ses fonctionnements et régulations.

FUERO(n)

 

La mémoire humaine a l’attitude, inexpliquée jusqu’aujourd’hui, de garder à jamais tout genre de bagatelle, tandis que les événements les plus importants ne laissent qu’une trace presque imperceptible, souvent rien, sauf une générique sensation intime difficilement exprimable, pas plus, peut-être, qu’un son mystérieux. 

Et ils restent couchés éternellement tout au bout de la mémoire à une profondeur vertigineuse, tels des navires coulés à pic et incrustés depuis la quille jusqu’au grand mât par les coquilles fantasmagoriques des revirements.

Je vois encore ces petites, fragiles fourmis, et elles me paraissent les mêmes. Pourtant elles sont peut-être les mêmes, éternelles, insensées, ces fourmis fragiles et éphémères, qui cherchent instinctivement dans le monde énorme et inconnu le corps en décomposition d’une fleur. Mais comment s’appelle-t-elle ? Maintenant je le sais. Mais dans ce temps-là je l’ignorais.

V. Kataev

 

On dit que Mnémosyne eut plein d’enfants parce qu’il est difficile de se rappeler tout seul, et que même le souvenir le plus intime, le plus incoercible, le plus inavoué, est une fiction qui se dévide au seul profit d’un public fantasque, qui n’est jamais là mais qui applaudit toujours.

 

Mnémosyne eut-elle plein d’enfants parce que la soi-disant mémoire collective n’est aucunement ce mont-de-piété où convergent les gages mémoriaux de chacun, mais la Isla Tortuga où s’amasse le butin de certains souvenirs qui sont toujours d’autrui, toujours volés et par suite plus faciles à répartir, plus simples à partager ;

 

Encore, si le souvenir et le jugement sont aussi étroitement liés dans la génération des filles de Mnémosyne, pro génitrices de la duperie qu’on nomme l’art, c’est parce qu’au fond, le souvenir n’est que la première et unique Critique du Jugement.

 

Proust avait bien pressenti cela, lorsqu’il pressentit que l’aspect le plus époustouflant n’était pas la ressemblance entre souvenir et Apocalypse, entre mémoire et dévoilement, mais la constatation que tant de chambardement, tant de fin du monde fussent contenus entiers dans une tasse de thé.

 

Et cette proximité, cette liquidité dit que les différences de génération sont infiniment transcurables face à la dé-génération du réel que nous savons amorcer lorsque nous nous souvenons tous ensemble, lorsque nous nous rencontrons, pas pour démentir la fin du Temps, mais pour l’accélérer.  

Roberto Fratini

PRESSE

MOUVEMENT. L’indisciplinaire des arts vivants

 

L’inabouti leur va si bien

 

Retour sur Montpellier Danse 08 - 03/07/2008. Par Gérard Mayen

 

Germana Civera au contact d’amateurs, Kettly Noël en provenance d’Afrique, affolent les catégories attendues ; tandis que William Forsythe se radicalise sans rien déplacer vraiment. Tels ont été quelques-uns des faits marquants de l’édition 2008 du festival Montpellier Danse, qui s’achève le 5 juillet.

 

 Fuero(n), de Germana Civera, cette pièce ne mobilise pas moins d’une trentaine d’interprètes ; parmi lesquels, vite dit à la louche, deux tiers d’amateurs.(…) Les qualités exceptionnelles d’un projet chorégraphique parfaitement inclassable, et donner l’envie d’en profiter deux fois plutôt qu’une.

 Oui mais voilà : une part considérable de la critique et de la profession continue de s’inscrire dans la lignée de la danse d’auteur des années 80. Selon cet héritage, l’important est qu’un spectacle soit « abouti ». Autrement dit et avant toute chose : qu’un auteur chorégraphe démontre sa capacité à maîtriser les forces agissant dans une œuvre, en produisant l’ordonnancement d’une belle cohérence de composition.

 

 Ce critère ignore imperturbablement l’apport des courants critiques des années 90, renouvelés au contact de l’art-performance. Lesquels suggèrent au contraire de s’intéresser avant tout à la qualité des forces révélées et libérées dans une œuvre, fût-ce au prix d’un inconfort dans leur saisie (quand ce n’est, précisément, avec cet objectif).

 

Or Fuero(n) révèle et libère des forces d’une étonnante rareté. En trois ou quatre ans, l’appel à des amateurs, ou non danseurs, est devenu une figure excessivement courante sur les plateaux de danse. La grande singularité de Germana Civera est de le faire en conduisant délibérément ceux-ci jusqu’au bord de pentes très glissantes. Enfants compris. Sans complaisance. Car sa distribution se répartit en trois catégories d’âge : enfants, adultes, personnes âgées. Voilà qui paraît simple. Mais Fuero(n) pousse chacune de ces catégories à sortir d’elle-même, à surprendre ses attendus, et à tisser une circulation des comportements joliment ignorante des bienséances. Cette pièce se présente comme un enchevêtrement indéfiniment mouvant, alternant les fausses pistes, les impasses, les embardées magnifiques et autres échappées fulgurantes. Elle répand la perplexité, ose les déroutes, ou se raidit de vigueur. Son écriture travaille constamment la tension entre l’évidence de la réalité performancielle présente, et la pure absence de causalité, et flottement de l’intelligibilité, qui caractérisent la suite de ses actions. Cela porté à une échelle de masse, elle donne à son épatante liberté un goût tenace d’étrangeté.

 

Soit trente interprètes entrant lentement sur le plateau, selon une réduction en quelques pas, de la litanie d’arabesques splendides de l’entrée des Ombres de La Bayadère, dans la chorégraphie de Petipa. Cette relecture savante, aux allures ingénues, tisse des directions claires et fraîches, et se conclut dans une belle frontalité vite appelée à se brouiller avec une ambitieuse plasticité de tout le volume scénique, traité en profondeur de perspective. S’enclenche la vaste orchestration des âges de la vie, et de leurs transactions, un rien cruelle, impertinente sur le ton des enfants d’aujourd’hui, dense à la façon des vieillesses bien trempées, glacée aussi de hantises, et de corps suicidés. Cavalcades de références. Et croche-pieds existentiels. Déferlement d’apparitions, escamotages, glissades dans l’eau, effeuillages, provocations, toujours dans la distanciation, l’incongruité, l’inévidence du sens. Mais sans esquive, tandis qu’une vieille dame n’en finit pas de cloper ; que les adultes tournent à l’exhibition pédophile, et que les enfants les agressent à coups de bonbons. Avec fol pastiche du Bolero de Béjart, telle une baudruche suintant de son érotisme cheap.

 

Arrêtons là : on ne pourra jamais saisir cette pièce qui se donne trop de plaisir à échapper. A ne point aboutir.

 

 

 

 

 

 

 

www.festivalier.net

 

A MONTPELLIER DANSE EPATANTE GERMANA CIVERA

Par Pascal Bély 

 

Le public applaudit à tout rompre. Heureux. Soulagé. Comme si la danse venait enfin de nous faire un beau cadeau, alors qu'elle nous réserve tant de souffrances, de tensions voir de repli quand elle est en panne de sens. Ce soir, à Montpellier Danse, la Catalane Germana Civera fait avec « Fuero(n) » ce que notre société peine à réaliser : relier les générations dans un espace où l'imagination est au pouvoir ! Quarante ans après mai 68, elle redéfinit les contours d'un « vivre ensemble » où l'individu s'affranchit des cloisonnements qu'on lui impose. Pour réussir ce pari incroyable, plus de trente acteurs sur scène (dont pas mal d'amateurs), âgé de huit à plus de soixante cinq ans avec pour espace commun, la fin du monde, l'apocalypse vue à travers l'histoire de la danse ! « Fuero(n) » est un beau maillage entre un festival, un territoire européen transversal (Germana Sivera vit à la fois à Montpellier et à Barcelone), le public et notre bien collectif, la danse.

 

Au commencement de « Fuero(n) », Germana Civera définit prodigieusement la relation entre eux et nous. C'est une petite fille aux allures bien sages et déterminées qui accompagne une dame âgée vers une table de bar, clope à la main, en fond de scène. Spectatrice privilégiée (nous pourrions être à sa place), elle va observer presque silencieusement cette fin du monde revisitée par le public, les danseurs et la chorégraphe! Oui, vous avez bien lu ! Nous sommes symboliquement sur scène, mais à plusieurs niveaux en même temps! De notre place assise, nous nous projetons en elle, en eux. Mais pour cela, il faut nous aider à lâcher. Cette petite fille sait y faire. Elle est notre part de créativité. C'est de dos qu'elle assiste à l'arrivée des acteurs qui, sur une musique lancinante, esquissent une danse minimaliste, mais emprunte de désir. En quelques minutes, c'est déjà gagné. J'y suis.

 

S'ensuit alors différentes scènes où chacun va jouer tour à tour le public, le danseur, le chorégraphe pour s'amuser de cette fin du monde, mais surtout pour positionner la danse comme vecteur du lien social (au cas où certains l'auraient oublié), comme éclaireuse des paradigmes naissants, où elle accompagne l'individu dans sa quête d'autonomie. C'est tout un modèle de société que Germana Civera dessine, où les plus jeunes tissent avec les plus anciens des liens de créativité, tandis que les adultes s'appuient sur ces liens intergénérationnels pour s'interroger sur l'évolution du groupe, sur les valeurs afin de réinventer le monde !

 

« Fuero(n) » est un maillage impressionnant par sa dynamique où l'espace théâtral inclut la salle, les coulisses, la scène sans que jamais le spectateur ne soit perdu ou isolé. D'autant plus que l'on rit souvent (et l'on connaît la difficulté pour les chorégraphes d'utiliser l'humour comme ressort du sens). Puisque de fin du monde il s'agit, nous sommes libres d'interpréter la charge symbolique de certains passages pour réécrire notre histoire. Germana Civera redéfinit un modèle relationnel entre la danse et le public à l'image du dernier tableau où les portes de fond de scène s'ouvrent vers la rue (mais chut, surprise).

 

Le final enchante parce qu'il autorise toutes les utopies. Celles d'un monde de ponts et de portes où les enfants lâcheraient dans le ciel les ballons chargés du poids de nos idéologies dépassées.

AUTOUR DE FUERO(n)

Portrait chorégraphique de GERMANA CIVERA

 

Tourné lors de la création de FUERO(N) au MERCAT DEL LES FLORS - CASA DE LA DANSA à Barcelone.

 

Diffusé dans l'émission Nydia, programme de la télévision catalane.

Dossier : Amateurs en scène

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